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aire, par les secousses continues de l’opposition, de paraître soutenu par les ouvriers. Il résisterait à la poussée bourgeoise, en déclarant faire aux éléments plébéiens une place dans l’État.

Émile Ollivier, qui, avec Morny, préparait déjà sa fameuse loi des coalitions, observait avec intérêt cette évolution du régime absolu vers le socialisme césarien et vers l’empire libéral, a apprécié ainsi l’initiative de l’empereur, dont il attribue une part à son cousin :

En 1862, lors de l’exposition de Londres, l’empereur, sur le conseil du prioce Napoléon, prenant une initiative hardie de confiance, avait autorisé chaque corps de métier à se réunir et à nommer des délégués proportionnellement à son importance. Cent mille ouvriers furent mis ainsi en mouvement, sans que le public s’en doutât, et trois cents délégués nommés avaient reçu quarante mille francs pour leurs frais de voyage. Ces délégués revinrent pénétrés de l’idée que, pour être résolue à leur profit, la question sociale devait être séparée des questions politiques, et qu’au lieu de se mettre à la queue d’un parti, les ouvriers devaient se déclarer neutres, laisser les bourgeois se disputer sur la forme du gouvernement et s’occuper exclusivement d’améliorer leur condition.

(Émile Ollivier, l’Empire libéral.)

Les événements ne répondirent pas à l’attente de Napoléon III, et ses calculs se trouvèrent faussés par les circonstances. Bien vite, les préoccupations dynastiques et le sentiment autoritaire reprirent le dessus dans ses conseils. Ces organisations ouvrières, d’abord jugées inoffensives, supposées même susceptibles d’être des auxiliaires, apparurent, ce qu’elles étaient réellement, des organes de révolution redoutables pour un gouvernement à peu près absolu, avant tout défenseur des privilèges de la bourgeoisie, et gardien vigilant de cet ordre social établi, dont les congrès de