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tante, depuis la proclamation de l’empire, et aussi des six millions de suffrages amnistieurs dont ils avaient largement grossi le total. Il ne lui déplaisait pas de flatter, de soigner cette plèbe, pour mieux opprimer le peuple. Et puis, en sa tête farcie des préceptes de Machiavel, travaillait l’arrière-pensée d’un dérivatif adroit. Il envisageait comme un excellent moyen de gouvernement cette inclinaison vers les horizons socialistes qu’on lui reconnaissait ; il voyait une force dans cette attention donnée aux projets des meneurs de la classe ouvrière. C’était une diversion vis-à-vis de l’opposition bourgeoise, une surenchère mise sur le programme des Cinq, une atténuation de l’influence que Jules Favre, et les autres avocats qualifiés de républicains prenaient sur l’opinion. Donner de la force, de la publicité, et accorder un protectorat moral à un parti nouveau qui se séparait des groupes anciens, qui méconnaissait et combattait les chefs jusque-là autorisés, et pour ainsi dire officiels, de l’opposition, c’était habile ; favoriser en même temps un programme, qui, écartant les questions politiques, déclarait s’en tenir à des réformes économiques, à des questions de bien-être matériel et à l’amélioration des conditions du travail, à l’augmentation des salaires, c’était très fort ; c’était assurer, s’imaginait l’empereur utopiste, la consolidation du trône impérial. Les politiciens traditionnalistes, les orléanistes, les libéraux et les républicains de gauche, s’appuyant sur la bourgeoisie frondeuse, dont la clientèle dans quelques grandes villes se plaisait à critiquer le pouvoir, et à voter pour des candidats plus ou moins irréconciliables, deviendraient des adversaires négligeables, lorsqu’on aurait réussi à détacher d’eux les masses ouvrières. Les jours de scrutin, comme autrefois en temps de révolution, ces contingents populaires décidaient de la victoire. Il n’était pas désagréable à l’empereur, qui se sentait déjà ébranlé sur son trône autori-