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dendes à répartir entre tous ceux qui avaient fait des travaux pour l’entreprise de l’habillement de la garde nationale ».

Cet ordre du jour, publié par tous les journaux, le matin du 18 mars, ne semblait pas révéler chez les tailleurs, en rapports quotidiens avec les chefs de la garde nationale pour l’habillement des hommes, une prévision des graves événements qui s’accompliraient dans leur voisinage, à l’heure où ils se préparaient à entendre fixer le chiffre de leurs dividendes.

Thiers, en brusquant le mouvement, en communiquant l’ordre d’attaquer la Butte dans la nuit du 17 au 18, a donc, sciemment et volontairement, donné le signal d’une insurrection que personne ne prévoyait si prochaine, qu’on ne voyait pas sortir des événements présents, et dont lui-même ne pouvait deviner la gravité.

Sauf Vinoy, personne ne fut au courant des projets de Thiers. La surprise de Paris fut donc générale, le lendemain matin. Les groupes révolutionnaires, les membres futurs de la Commune, les membres du Comité central, furent aussi abasourdis que l’ensemble de la population. Rien ne pouvait faire supposer que les choses n’allaient pas s’arranger, et les gens les mieux informés, les journalistes, les hommes politiques, les orateurs et les organisateurs de réunions pendant le siège, les militants blanquistes, comme les affiliés de l’Internationale, se couchèrent le vendredi soir, sans se douter qu’ils se lèveraient, le samedi, avec Paris en insurrection[1].

  1. L’auteur avait diné et passé la soirée du vendredi chez son ami, le poète Paul Verlaine, 2, rue Cardinal-Lemoine (Ve arrond.). Retournant à son domicile avenue Trudaine (IXe), il rencontra Raoul Rigault, qui l’accompagna. Ils traversèrent Paris en causant.

    Raoul Rigault, qui avait été commissaire de police, resté en rapport avec des anciens collègues, sortait de la brasserie Glaser, où il avait