Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce témoignage sincère, et nullement apporté par esprit de parti, publié le jour même où Thiers lançait un corps d’armée à l’assaut de ce champ Polonais, que défendait une garnison de huit hommes, baguenaudant, et se morfondant à garder des canons que personne, dans leur pensée, ne songeait à prendre de force, établit nettement que le prétendu péril des canons de Montmartre n’existait que dans l’imagination de l’assemblée de Bordeaux, dans les racontars alarmistes de la presse réactionnaire, — et aussi dans la pensée de derrière la tête de M. Thiers, parce que ce péril imaginaire était indispensable à l’exécution de son plan.

D’autres préoccupations que les canons de Montmartre se faisaient jour dans la presse. Plusieurs journaux publièrent des articles indiquant qu’une partie au moins des quartiers de Paris étaient envahis par des personnages qui ne songeaient guère à construire des barricades, et que le public était en butte aux assauts d’aigrefins embusqués à tous les coins de rues, qui s’efforçaient de soustraire autre chose que des pièces d’artillerie.

Voici l’une de ces notes, où l’on retrouverait difficilement la trace de l’appréhension d’une Révolution :

Malgré l’avis des maires, malgré l’énoncé des peines portées contre ceux qui établissent des jeux sur la voie publique, certaines parties de Paris continuent à présenter un spectacle indiquant suffisamment que l’avertissement donné est resté lettre morte pour les exploiteurs et pour leurs dupes.

Qu’on visite les rues retirées, les bords du canal, les boulevards extérieurs, c’est partout le même aspect. Et quand le temps est mauvais, ce sont les voûtes du chemin de fer de Vincennes et les baraques construites pour les troupes qui servent d’abri aux joueurs de dés ; car c’est décidément ce jeu qui l’emporte, sans doute parce qu’il est plus expéditif. En très peu de temps, l’argent change de poches.