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prendre le fusil. Le jour du crime, il avait laissé, en ricanant, l’héroïque Baudin s’exposer à un sacrifice inutile. Mais Saint-Antoine s’était repenti de sa faute. Il était prudent, en face du faubourg redoutable, de bien sonder le terrain avant de s’avancer. À proximité de la Bastille, dans le paisible quartier du Marais, place des Vosges, était installé un parc important d’artillerie. Là, avait été transporté, le 28 février, un grand nombre des pièces enlevées au parc d’artillerie de la place Wagram. On pouvait éprouver, de ce côté, la défense possible des fédérés, et tâter le pouls au faubourg.

Aussi, le 16 mars, vers 11 heures du soir, une compagnie d’infanterie, escortée de gardes nationaux à cheval, et accompagnée de chevaux de traits et d’hommes des équipages, se présenta devant les grilles entourant la place des Vosges, ancienne place Royale. Le calme quartier était endormi. L’alarme fut vite donnée par une sentinelle. Le poste sortit en armes. Le service de faction autour des pièces devenait fatigant, et les hommes commandés pour cette surveillance, jugée sans importance, se trouvaient peu nombreux. Les officiers du détachement parlementèrent à travers les grilles, déclarant qu’ils venaient pour prendre possession des canons. Refus des gardes nationaux de les laisser pénétrer. Les municipaux s’écartèrent, les soldats avancèrent, et firent mine de vouloir forcer les grilles. Alors les gardes nationaux, rapidement, se forment sur deux rangs : le premier rang met genou en terre, prêt à tirer, le second rang croise la baïonnette. En même temps on bat le rappel autour de la place. Des gardes nationaux accourent de tous côtés. Le commandant du détachement, voyant la résistance s’organiser, obéissant certainement aux instructions qu’il avait reçues, remet tranquillement son sabre au fourreau, ordonne la retraite, les cavaliers tour-