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leur prendre, s’ils ne veillaient pas attentivement, s’ils ne se tenaient pas prêts à repousser, par la force, les soldats envoyés pour cette razzia.

Autre démonstration vaine, à l’autre bout de Paris celle-là. Il y avait une cinquantaine de pièces de la légion d’artillerie, commandée par Schoelcher, en dépôt, au Luxembourg. Un détachement de sept ou huit hommes seulement, du 20e bataillon, les surveillait. Des artilleurs se présentèrent le 8 mars pour prendre possession des pièces. Ceux qui les gardaient refusèrent de les remettre à d’autres qu’aux artilleurs de la garde nationale. La troupe se retira sans insister.

Des renforts de gardes nationaux furent aussitôt demandés et envoyés. Un bataillon entier, le 83e, vint prendre la garde des canons. La fausse manœuvre, cette fois encore, n’avait donc eu pour but que de répandre l’alarme, et pour effet que de mettre sur pied un grand nombre de gardes nationaux de la rive gauche. Cette démonstration dans un autre quartier de Paris, à l’opposé de Montmartre, avait pour objet de prévenir les bataillons des quartiers du Sud, de les avertir que les batteries du Nord n’étaient pas seules menacées.

Le faubourg Saint-Antoine, pour Thiers et les hommes de sa génération, avait toujours son prestige révolutionnaire. Là, devaient se concentrer des réserves formidables d’insurgés. Si Montmartre et Belleville étaient des forteresses naturelles, le célèbre faubourg se transformait rapidement en bastion presque imprenable. Les souvenirs de juin 48 étaient demeurés vivaces. En évoquant la résistance légendaire de ces héroïques faubouriens, les vieux officiers d’Afrique pâlissaient, et Vinoy, un général de Décembre, savait que si Louis-Napoléon avait eu si facilement la victoire, c’est que le faubourg Saint-Antoine n’avait pas voulu