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nationale avait bien et légitimement agi, en transportant ces canons en lieu sûr.

Alors que les Prussiens étaient partis, puisqu’il n’y avait nulle crainte à avoir d’un retour offensif, et que la paix était faite, la garde nationale devait-elle garder ces bouches à feu ? Oui, si une réglementation d’ordre militaire intervenait. Le corps de l’artillerie de la garde nationale, puisqu’il y avait une légion de cette arme dans l’armée citoyenne, en prenait alors possession régulière ; les pièces étaient transportées dans les forts, ou remisées dans les arsenaux de l’État, sous la garde d’artilleurs gardes nationaux. La négative s’imposait, si ces mêmes gardes nationaux prétendaient conserver les bouches à feu, braquées sur la ville, s’ils entendaient garder ces pièces dans des tranchées et des embrasures, prêtes à faire feu, comme au cours d’un siège. C’était alors une menace, une tentation de guerre civile aussi, qu’on ne pouvait supporter. Avoir des canons en batterie, pointés, et n’attendant que le déclic pour couvrir les maisons particulières, comme les édifices publics, d’une pluie de projectiles démolissant et tuant au hasard, c’était fait de guerre, et non régime normal. Le gouvernement avait le devoir de rassurer les intérêts et de faire cesser les anxiétés. Sa prétention de rendre la Butte à sa destination ordinaire, en temps de paix, de vaste belvédère, d’où les promeneurs venaient contempler le magnifique panorama de Paris, d’où les gamins s’amusaient à lancer des cerfs-volants, n’avait rien d’arbitraire ni de déraisonnable. La prétention, au contraire, des gardes nationaux de conserver les canons, en arguant qu’il les avaient payés, qu’ils les considéraient comme une propriété privée, comme le matériel d’une société de tir ou de sport, était insoutenable. De ce que les particuliers, à l’aide de souscriptions et de donations, font bâtir un hôpi-