Le plan de Thiers comportait ainsi plusieurs étapes, avant d’atteindre le but final. La stratégie nécessaire à son succès exigeait des travaux d’approche. On doit reconnaître successivement l’ouverture de ces « parallèles », permettant d’arriver au corps de place : un général imposé à la garde nationale, la suppression de la liberté de la presse, la juridiction et les lois de l’état de siège remises en vigueur, les deux lois ruineuses et vexatoires sur les échéances et les loyers. Il fallait aller plus avant encore. Le désarmement de la garde nationale, préliminaire indispensable de l’établissement de la république thiériste, était au bout de ces circonvallations. En faisant mine de retirer aux gardes nationaux leurs canons, les fusils partiraient tout seuls, ce qui permettrait de s’en emparer avec violence et d’organiser la terreur tricolore. Ainsi, provocation à la résistance, puis le combat et la répression, voilà les trois degrés sur lesquels Thiers devait monter pour arriver à la dictature parlementaire qu’il convoitait, qu’il jugeait sincèrement la meilleure forme de gouvernement pour la France.
Cherchant à s’emparer des canons que les gardes nationaux s’obstinaient à vouloir conserver, on devait provoquer une émotion considérable, et si l’on s’y prenait habilement, l’agitation deviendrait émeute. Seulement l’habileté, ici, consistait à agir maladroitement. Rien de pis ne pouvait survenir, pour déranger le plan, que l’enlèvement des canons sans résistance, sans qu’il y eût de sang versé, sans un prétexte à vaincre une insurrection. L’opération, dans certaines conditions, était relativement facile. Il fallait qu’elle parût, sur le moment, impossible. La plus cruelle déception que la garde nationale pût infliger à Thiers eût été de restituer bénévolement les canons et de procéder, par un accord entre le Comité central et le gouvernement, à un désarmement partiel, et ensuite à la réorganisation pacifi-