Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propriétaires en temps normal, ces derniers se trouvaient favorisés ; eux seuls, présents ou absents, ne s’apercevraient pas qu’il y avait eu invasion, siège, chômage, suppression du travail, interruption des affaires ou privation générale des revenus, recettes et salaires. L’appréhension de cette loi inégale, favorisant les riches au détriment des pauvres, fut un des grands facteurs de la désaffection qui atteignit l’Assemblée Nationale, et de la facilité avec laquelle la majorité de la population accepta la révolution du 18 mars. Sans ces deux lois, l’indifférence ou même la satisfaction générales qui accueillirent la fuite de Thiers et l’arrivée d’un gouvernement nouveau seraient étranges et inexplicables.

LES CANONS DE MONTMARTRE

Bismarck avait formulé, durant l’attente de la reddition de Paris, la théorie de « l’heure psychologique ». Il indiquait, par cette expression doctorale, le moment critique où Paris, à bout de forces, devrait succomber, où la ville épuisée serait à sa discrétion. L’événement avait justifié sa perspicacité et réalisé ses prévisions. M. Thiers, pareillement, avait calculé le temps qui lui était nécessaire pour se consolider suffisamment, pour rassembler quelques troupes, et pousser la population parisienne à bout, de façon à provoquer un soulèvement, et à motiver son coup de force, suivi de la sanction qu’il rêvait : l’épuration de Paris par le massacre et la déportation. Ce châtiment exemplaire des Parisiens révoltés devrait inspirer une terreur générale et salutaire : les quelques villes où existaient des groupes turbulents, des velléités de rébellion, se trouveraient averties. Si elles bougeaient, on les soumettrait à l’épuration, comme Paris. L’ordre ne tarderait pas à régner dans toute la France, ainsi qu’autrefois en Pologne, Varsovie châtiée.