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décisive à la garde nationale, et derrière elle à la République, que les citoyens armés jugeaient menacée, et qu’ils voulaient être à même de défendre en gardant fusils et canons, succéda une nouvelle mesure, également désastreuse, englobant toute la population non aisée, et même la partie de la petite bourgeoisie, qui n’avait ni travaillé ni encaissé durant le siège. Ce fut la menace de la loi dite « des loyers. »

Elle ne fut pas votée à Bordeaux, mais le dépôt du projet en fut annoncé. Les termes en étaient de nature à effrayer la grande masse des locataires pauvres ou gênés. La simple divulgation des intentions de l’Assemblée de Bordeaux, que l’Assemblée de Versailles transformerait, dès son arrivée, en loi exécutoire, suffisait à indisposer les trois quarts des Parisiens. Cette loi constituait le plus intensif élément de troubles. Elle a suffi d’ailleurs à entraîner vers la Commune une quantité de gens paisibles, nullement révolutionnaires, se voyant sur le point d’être saisis, expulsés. La révolution ajournait le paiement impossible, empêchait lu saisie, les sauvait. Donc ils laissaient faire la Commune. Beaucoup de ces locataires gênés, qui eussent peut-être combattu le mouvement, tout au moins par leur abstention, le favorisèrent, puisque, grâce à lui, la prorogation des échéances et des loyers, refusée par le gouvernement versaillais, se trouvait déjà obtenue par le fait de l’insurrection, serait sanctionnée par le gouvernement parisien.

La remise totale des loyers courus pendant le siège était excessive, et eût été injuste. Les charges et les ruines issues de la guerre ne devaient pas être supportées par une seule catégorie de citoyens, par les propriétaires, mais, d’un autre côté, si les locataires étaient tenus de payer, sans aucune réduction, tout ce qu’ils eussent versé à leurs