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ignorait alors que Thiers fût surtout celui qui désirait la guerre civile), et aussi le conseil formulé de l’éviter. Il est évident que si les Parisiens organisaient la « sédition », comme disait Vinoy, à l’instigation des journaux, le Cri du Peuple eût libellé autrement sa protestation. Il n’eût pas cherché à décourager les futurs insurgés. Il ne se fût pas indigné quand le général l’accusait de provoquer à l’insurrection. Il eût trouvé une autre formule qu’un énergique désaveu, pour répondre à l’arrêté de suspension, et tenir sa clientèle en haleine, dans l’attente du signal de la prise d’armes.

L’Opinion Nationale, journal modéré, qui n’était pas dans le complot thiériste, blâma en termes mesurés l’arrêté de Vinoy, général destiné, et malgré lui sans doute, au rôle d’éditeur responsable. M. Guéroult disait notamment : c’est aux tribunaux, et non au gouvernement qu’incombe la répression sans quoi les critiques les plus fondées pourraient bientôt devenir un « crime contre la société, contre l’ordre de choses établi ».

C’était donc l’état de siège, prolongé après le départ des Prussiens, c’était l’arbitraire faisant loi, c’était surtout la liberté de la presse supprimée, qui signalaient le nouveau régime, inauguré par Thiers : c’était un don de joyeux avènement. Il y avait là vingt raisons pour exciter Paris, pour provoquer un soulèvement, pour faire descendre dans la rue ces insurgés, que Thiers espérait, qu’il guettait comme un chasseur à l’affût.

LA LOI DES ÉCHÉANCES

Paris cependant s’obstinait à demeurer calme. Il semblait sourd aux menaces, et indifférent aux outrages, que les agents de Thiers lui prodiguaient, par ordre. Il convenait