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être ingrat pour cette grande population qui relève la France aux yeux du monde entier (applaud.). Il n’est pas vrai de dire que Paris ait toujours été la cause des révolutions : il en a été le théâtre plutôt. Je ne saurais être ingrat envers Paris, a qui je dois tout ; Paris a fait des fautes, il les paye d’un prix très cher… une grande émotion s’est emparée de la population de Pars, à la suite de l’évacuation des Prussiens. Eh bien ! ce mouvement, qui n’avait rien de coupable à l’origine, puisqu’il était dirigé contre les Prussiens, a dégénéré en une attitude coupable et factieuse mais nous espérons pouvoir ramener les hommes égarés et éviter la guerre civile… (Assemblée Nationale. Séance du 10 mars 1871.)

On voit la différence des deux langages : à Bordeaux, avant le Dix-Huit Mars, M. Thiers fait l’éloge de Paris, et dit qu’il espère « éviter la guerre civile ». Six mois après, devant la commission d’enquête, il déclare qu’il considérait, dès cette époque la guerre civile comme « inévitable ». On doit voir dans ce correctif rétrospectif à son optimisme d’antan, un commencement d’aveu de son détestable plan.

Il avoue, en août, qu’il était certain en mars que la guerre civile devait éclater prochainement. C’est reconnaître qu’il la préparait dès cette époque. Pourquoi n’a-t-il pas dit à l’Assemblée que l’insurrection allait éclater, si telle était alors sa croyance ? Parce que l’Assemblée serait restée à Bordeaux, et qu’il avait besoin d’être avec elle à Versailles. C’était le point de départ de sa stratégie.

L’Assemblée, au 11 mars, ayant accédé au désir du chef du pouvoir exécutif et décidé de siéger à Versailles, c’est-adire à une heure de Paris, M. Thiers se trouvait en mesure de poursuivre et de hâter la réalisation de son plan. Deux mesures de provocation directe étaient déjà prises qui devaient en marquer le début, et précipiter les événements.