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une lutte terrible à soutenir, contre les gens de toute sorte accumulés dans Paris.

Pendant qu’à Bordeaux nous nous occupions de faire voter le traité, le ministre de la Guerre, général le Flô, reçut l’ordre d’acheminer les troupes sur la capitale. On m’écrivait tous les jours : il n’est pas possible, à la distance où vous êtes, de livrer bataille à une foule furieuse. L’Assemblée à Bordeaux est trop loin, il faut la rapprocher de Paris. Je n’eus jamais l’idée de faire rentrer immédiatement l’Assemblée dans Paris. À ceux qui étaient d’avis de la ramener sur-le-champ, et ils étaient nombreux, je répondais : « Non ! tant que Paris sera dans cet état, je ne proposerai pas à l’Assemblée d’y revenir, parce que je prévois des événements redoutables. Seulement je lui donnerai le conseil de s’en rapprocher autant que possible. » Plus les symptômes d’une inévitable journée se révélaient à moi, par les correspondances que je recevais, plus j’étais convaincu qu’il fallait se transporter au milieu même des événements.

(Enquête parlementaire sur le 18 mars, éd. citée, p. 121.)

Prédire une insurrection, quand on est chef d’État, c’est la suggérer. En se montrant alarmiste, M. Thiers ne se contentait pas de prévoir un soulèvement parisien, il précisait le caractère de la lutte, il l’annonçait comme devant être inévitable et furieuse. Mais il faut remarquer qu’il parlait ainsi après les événements, au mois d’août 71, et qu’il révélait seulement alors ses craintes, ses intentions, ses espérances, du mois de mars. Lorsqu’il se contentait de demander à l’Assemblée de revenir auprès de Paris, non pas dans un but stratégique, mais uniquement pour la lionne et prompte expédition des affaires, il s’efforçait de cacher le spectre de la guerre civile, il se bornait à indiquer qu’il saurait maintenir l’ordre, avec l’aide de l’armée et des bons citoyens.

Devant la résistance, l’Europe s’est étonnée, l’Europe a admiré et tous les amis de la France ont relevé la tête. Je ne saurais