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revendications et leurs programmes, pour conserver leur popularité. Les monarchistes, de leur côté, ne croyant plus au danger à gauche, s’orienteraient entièrement à droite, et avec l’appui du parti clérical, s’efforceraient de lui créer des obstacles, l’empêcheraient d’organiser la république constitutionnelle et bourgeoise qu’il rêvait, qu’il estimait être la seule possible. Une insurrection dont il aurait raison lui était indispensable pour garder l’équilibre, pour tenir le gouvernail entre Charybde monarchique et Scylla révolutionnaire. Il fallait encore que Paris fît une tentative insurrectionnelle assez sérieuse, que la province désapprouverait qu’elle ne comprendrait pas, qui l’irriterait aussi, et l’effraierait dans les circonstances présentes. Autrement il ne pouvait répondre de l’avenir, et la Révolution, qu’il avait une occasion favorable et exceptionnelle de désarmer pour longtemps, gagnerait du terrain, soulèverait les départements. Ce seraient les ruraux, comme un insolent avait qualifié les représentants des départements, qui s’insurgeraient et on en viendrait moins facilement à bout. Donc il fallait provoquer les Parisiens, et le plus tôt possible. Il convenait d’avoir pour cela les députés sous la main, d’être sur place et de s’affranchir de l’inconvénient des allées et venues entre Paris et Bordeaux. Il y aurait eu trop grande difficulté à manœuvrer avec un gouvernement scindé en deux, obligé d’être à Bordeaux pour diriger l’assemblée, et à Paris pour conduire les affaires.

M. Thiers, dans sa déposition à l’Enquête, a révélé cette phase préliminaire de son plan. On remarquera qu’il parle d’une lutte terrible menaçante, alors que rien dans l’altitude de la population, ni dans les déclarations du Comité Central n’en pouvait signaler la préparation, ou même le désir.

Aussitôt après la signature de la paix, je vis que nous aurions