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le sauveur, l’homme providentiel, indispensable, et comme Louis XIV disait l’État c’est moi, toute la France devrait dire la République c’est M. Thiers ! L’ordre le travail, la propriété, tout cela c’est l’œuvre, le bienfait de Thiers, le Napoléon de l’Empire Républicain !

Ces deux points admis, et il paraît difficile, après l’examen impartial des faits accomplis, que ce postulat soi démenti, ou même contesté, toute l’explication de la conduite de Thiers, depuis la paix jusqu’au premier combat du 2 avril 1871, au pont de Neuilly, devient claire ; elle est explicable, expliquée.

Il est évident que, lorsqu’il combinait l’épuration des faubourgs trop républicains, et la consolidation d’une république très modérée, dont il demeurerait le chef incontesté, Thiers n’avait pas prévu deux choses : d’abord l’étendue du mouvement insurrectionnel qu’il provoquait, et ensuite la résistance opiniâtre et terrible de ces insurges, qu’il pensait écraser sur quelques barricades, élevées dans les faubourgs, mal défendues et rapidement enlevées.

I ne pouvait non plus supposer que sa victoire sur les républicains avancés serait si forte, si décisive, quelle rassurait et encouragerait les monarchistes, au point que, délivrés de toute crainte du côté des hommes d’action et des masses armées, ils chercheraient à renverser la République. et pour y parvenir, commenceraient par le renverser, lui, son président. Il n’est pas le premier politicien qui, en croyant seulement provoquer un léger orage, ait déchaîné la tempête. Il serait exagéré de prétendre que Thiers avait combiné et prévu, dès Bordeaux, sa rentrée dans Paris fumant, sur un monceau de cadavres, après un combat acharné de deux mois. Il n’eût pas risqué son coup de force, s’il avait été certain qu’il dût être suivi d’une révolution terrible. Il n’envisagea pas un instant l’hypothèse périlleuse de