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de Henri V ? Mais la bourgeoisie, qui eût peut-être accepté la royauté constitutionnelle, « la meilleure des républiques », disait-on chez le banquier Laffite, après les journées de 1830, n’avait que de la répulsion pour l’ancien régime. Les orléanistes ne pouvaient se rallier au drapeau blanc ; Henri V repoussait le drapeau tricolore, qui était à ses yeux le drapeau de la Révolution. Si le peuple de Paris, recueillant les bruits et les menaces de la réaction, prêtant l’oreille aux forfanteries des adversaires de la République, estimait celle-ci en danger, M. Thiers, lui, savait que c’était une crainte exagérée et vaine, que la fusion était interdite, et que les ruraux de Bordeaux seraient bien forcés de supporter la République, puisqu’on l’avait. On ne savait par qui la remplacer, et elle était le régime qui « divisait le moins », qui laissait à tous les partis l’espérance et tenait en haleine toutes les convoitises. Cependant, il ne cherchait pas à démentir, par des actes, par des faits, cette rumeur que la République était en danger. Cette crainte servait ses desseins.

Ce qui prouve bien que, même parmi les membres de l’Assemblée, peu favorables à la démocratie, on ne croyait pas à l’imminence d’une révolution à Paris, c’est le nombre de ceux qui votèrent le départ de Bordeaux, et l’installation à Versailles. S’ils avaient cru à l’explosion d’un Dix-Huit Mars, les ruraux eussent attendu, avant de siéger à Versailles, et ne se seraient pas hasardés à venir se loger à proximité des canons, et même des fusils des insurgés. Ils ne voulurent pas accepter Paris comme siège de l’Assemblée, parce qu’ils redoutaient des surprises populaires, des échauffourées, des envahissements soudains, comme au 15 mai 48, dont le souvenir fut rappelé à Louis Blanc, au cours de la discussion. Ils consentirent à se rendre à Versailles, parce qu’ils ne supposaient pas qu’ils s’y trouve