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Comité Central, né de la veille, à peine formé, de la tranquillité publique conservée et du péril évité. La reconnaissance de la foule est souvent aussi peu méritée que sa haine. On savait qu’un comité, nouvellement organisé, avait pris la parole au nom de 215 bataillons qu’il affirmait représenter, pour déconseiller toute résistance à l’entrée des Prussiens, et qu’il avait été entendu. Donc ce Comité était une force ; il était le pouvoir dont on regrettait l’absence, le tuteur dont on était en peine. On était sauvé ! Les sauveurs étaient des inconnus, de petites gens, peut-être des illettrés et des incapables ? N’importe ! Ils avaient tenu le langage nécessaire, et obtenu le résultat que l’on attendait du gouvernement et de l’assemblée, absents et muets. On était bien près de crier : vive le Comité Central ! puisque ce Comité-là avait tout remplacé, avait empêché un désastre et maintenait cette divinité tutélaire, qui semblait à tous indispensable : le gouvernement.

La fonction crée l’organe, dit la science moderne : le comité d’inconnus avait remplacé Thiers, Jules Favre et les autres Césars du moment. Il avait fait fonction de gouvernement, à lui donc de gouverner I Let himbe Coesar ! crie le peuple de Shakespeare au tribun Antoine proclamant qu’il n’y a plus de César. Tout, même un pouvoir dont on ne pouvait désigner par leurs noms ceux qui l’exerçaient, plutôt que pas de pouvoir ! c’était le cri des Parisiens. La population ne pouvait supporter quelques jours, quelques heures, la vacance de gouvernement. Ainsi la nature, selon les anciens physiciens, avait en horreur le vide.

Le Comité Central se trouva donc, par la force des choses, et par le consentement formel de quelques-uns, tacite du plus grand nombre, investi de l’autorité, durant les semaines d’attente qui suivirent l’entrée des Prussiens, jusqu’à la proclamation de la Commune de Paris.