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le « Parisien » accoutumé aux lisières, s’en plaignant toujours, mais ne pouvant jamais s’en passer, c’était une situation anormale très inquiétante aussi que de se sentir en liberté. Chacun s’alarmait, comme un marmot égaré dans une foule. Il faut un bâton à l’aveugle, et un gouvernèrent à la population, dans la nuit d’événements comme ceux du 1er mars. On avait depuis l’enfance, depuis plus loin encore par l’atavisme, acquis l’habitude de la tutelle. Accoutumes à être guidés, commandés pour les actes les plus élémentaires de la vie publique et même de l’existence privée, la collectivité, comme l’individu, s’effaraient à la pensée de se trouver brusquement dépourvus de l’autorité-tutrice. Comment se passer du pouvoir-patron, commandant tout, et supposé avoir tout prévu et pourvu à tout ? Cette absence de maître déroutait. Paris était alarmé, se voyant ingouverné. L’anxiété légitime que causait, dans toutes les classes de la population, et principalement dans la classe possédante, aisée, l’approche des Prussiens, et leur séjour dans la ville, fit surtout déplorer la privation de tout gouvernement. Le coup de fusil fortuit, que M. Thiers redoutait devenant le signal d’une tuerie atroce et d’une mise à sac furieuse, hantait aussi les imaginations bourgeoises. Beaucoup de ceux qui réclamaient une audacieuse marche en avant de la garde nationale, afin de barrer le passage à l’armée d’occupation tremblaient intérieurement que les risque-tout ne fussent pris au mot ; on mourait de peur à la supposition que ceux qui conseillaient le calme pourraient ne pas être écoutés. Ils furent, et alors la détente et le soulagement dilatèrent les poitrines. Comme l’esprit populaire est toujours enclin à attribuer à attribuer à une intervention positive, à un sauver visible et acclamable, le salut d’où qu’il lui vienne même quand il est issu visiblement de la situation, et qu’il est l résultante d’une volonté collective, on fit honneur à ce