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Derrière le dernier escadron franchissant la Porte-Maillot, un peloton de gendarmes français à cheval, tenant toute la largeur de l’avenue de la Grande-Armée, au pas et à quelque distance, fermait la marche, avant-garde de la foule impatiente qui suivait. Les gendarmes s’arrêtèrent a la Porte-Maillot, dont le pont-levis, jeté sur les fosses des fortifications fut aussitôt levé derrière le dernier Prussien avec un fracas significatif. La foule avait gravi les talus et, du haut des remparts, accompagnait de huées, de cris, d’acclamations ironiques, le départ, peu triomphal, des triomphateurs.

Paris respirait, reprenait courage, revivait sa vie Les magasins relevèrent leurs rideaux de fer, les devantures reprirent leur aspect habituel, les terrasses des cafés se garnirent de leurs chaises et de leurs guéridons enlevés, les jets d’eau des fontaines, aux Champs-Élysées et à la Concorde arrêtés pendant l’occupation, comme a l’ordinaire jaillirent, et la population emplit de nouveau de sa rumeur affairée rues et boulevards.

Le cauchemar des deux nuits et des deux journées sinistres avait disparu, mais, la joie première du départ des Allemands satisfaite, la réalité reprit son impérieuse et menaçante obsession. Qu’allait-ou devenir ? Garderait-on la République ? Faudrait-il, comme beaucoup le pensaient, faire le coup de feu pour la défendre ? Qu’y avait-il derrière l’écran mystérieux cachant l’avenir ? l’incertitude pesait, comme un couvercle, sur la cité frémissante.