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une décisive victoire, consolidant l’empire, grandissant l’empereur, ajournant à une date indéterminée l’avènement de la République vague qu’ils espéraient, sans trop croire à sa venue prochaine. Ils se hâtèrent de tirer de la défaite un avantage inespéré. Napoléon III avait perdu tout prestige et toute force morale. La victoire des Prussiens le renversait plus définitivement qu’une insurrection triomphante. La veille même du 4, on commençait, dans quelques villes, à réclamer la déchéance, et, le lendemain, le Sénat évanoui, et le Corps Législatif délaissé, une bande d’insurgés se ruait dans l’enceinte législative non défendue. Plusieurs personnalités sans mandat occupaient la tribune, et proclamaient, de leur propre initiative, la République. Ces hérauts improvisés furent excusables de devancer les législateurs réguliers, et de saisir au bond l’occasion pour débarrasser le pays d’un régime, qui, commencé par un guet-apens, finissait par une capitulation : sa victoire eut donné le signal de proscriptions nouvelles.

Mais, si on ne songe pas à imputer a crime cette révolte, pendant que l’ennemi marchait sur Pris, pourquoi si durement invectiver les hommes du 18 mars d’avoir proclamé la Commune à l’heure où des Allemands occupaient sans doute encore les forts et les hauteurs d’une partie de la banlieue parisienne, mais ou les fusils étaient au cran d’arrêt, et où il n’était plus question de combattre, mais de payer d’un côté et d’empocher de l’autre ? En admettant que les Allemands eussent pu tirer un avantage de l’insurrection parisienne, ce qui était impossible, à moins de déchirer les conventions de paix et de recommencer la guerre (et peut-être eût-ce été la plus souhaitable des