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gardes nationaux allant à la Bastille, ou en revenant. Des mots d’ordre circulaient. Des chefs ignorés donnaient des consignes. La nouvelle de la paix, sur le point d’être votée à Bordeaux, et signée à Versailles, avait été suivie de l’annonce de l’entrée des Prussiens dans Paris.

Le gouvernement avait, dès le matin, fait afficher une proclamation, où il faisait connaître « l’occupation partielle et très momentanée d’un quartier de Paris ».

Cette occupation, disait cet appel au calme et à l’ordre contenant l’énoncé des menaces prussiennes, sera limitée au quartier des Champs-Elysées. Il ne pourra entrer dans Paris que trente mille hommes et ils devront se retirer dès que les préliminaires de paix auront été ratifies, ce qui ne peut exiger qui un petit nombre de jours. Si cette convention n’était pas respectée, l’armistice serait rompu, l’ennemi, déjà maître des forts, occuperait de vive force la cité tout entière ; vos propriétés, vos chefs-d’œuvre, vos monuments, garantis aujourd’hui par la convention, cesseraient de l’être… L’armée française, qui a défendu Paris avec tant de courage, occupera la gauche de la Seine pour assurer la loyale exécution du nouvel armistice. C’est à la garde nationale a s’unir à elle pour maintenir l’ordre dans le reste de la cité.

La lecture de cette affiche fut accueillie, ici par des murmures, ailleurs par des cris d’indignation. Des gardes nationaux, en tapant sur la crosse de leur « flingot » rappelaient que l’engagement avait été pris, par 2,000 fédérés, au Tivoli Waux-Hall, de s’opposer, par la force, à l’entrée des Prussiens, l’heure n’était-elle pas venue de tenir cette promesse ? On attendait un signal du Comité Central, et, anxieux les plus déterminés se demandaient ce qui résulterait de cette collision suprême : le sort de Moscou était-il réservé à Paris ? Moscou avait vu fuir l’envahisseur, et cette perspective encourageait ces patriotes qui, plus énergiquement, d’une main plus nerveuse, faisaient résonner la crosse de leurs fusils.