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mis impunément en présence de plusieurs milliers de spectateurs, qui se bornaient à assister paisiblement à toutes les péripéties de ce drame émouvant.

Le courant n’a pas tardé à entraîner le corps du malheureux. Des misérables, poussant la férocité jusqu’à ses dernières limites, lui jetaient des pierres, et s’armaient de bitons pour repousser le corps que le courant ramenait près des bateaux.

À plusieurs reprises, les pilotes de deux bateaux-mouches se soûl approchés, de façon à pouvoir jeter la bouée de sauvetage, mais chaque fois on leur criait de se retirer. Et, comme ils ne tenaient pas compte de ces cris, on leur adressait des menaces violentes. Ne paraissant pas bien comprendre ce qui se passait, ils ont fini par s’éloigner.

La victime de ce crime odieux a été entraînée sous l’estacade qui existe à la pointe de l’Ile Saint-Louis, où elle a disparu. Les recherches qui ont été faites ensuite pour retrouver le corps sont restées infructueuses.

Ces horribles scènes n’ont pas duré moins de deux heures.

Ces violences d’une foule déchaînée sont déplorables. Elles ne sauraient souiller un parti, ni permettre à qui que ce soit de flétrir une cause. Comme nous le verrons, lors des meurtres de la rue des Rosiers, ces méfaits sont l’œuvre d’une tourbe anonyme, impulsive, sourde à toutes les prières, rebelle à tous les ordres, meute impitoyable et échauffée qui veut déchirer la proie pantelante, et mord même ceux qui tentent de la lui arracher. Des victimes, comme cet obscur agent de police, comme ces brillants généraux, ce sont les holocaustes qu’une infime portion du peuple, dans une Ivresse de sang, offre aux divinités terribles de la Vengeance, de la Révolte et de la Fatalité.

L’ENLÈVEMENT DES CANONS

Paris fut debout et passionné toute la journée du 28 février. Le tocsin sonnait aux clochers envahis. On battait le rappel dans les faubourgs. Los rues étaient pleines de