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Un drapeau rouge avait été hissé au faîte, et c’était le génie aillé qui le déployait sur la ville, comme pour l’appeler aux armes, hissant au grand mât du vaisseau parisien le pavillon de la révolution.

Les bataillons s’avançaient, commissaires en tête avec brassards et cocardes organisant le cortège et surveillant les détails de la cérémonie. Le défilé avait lieu par compagnies tambours battant, clairons sonnant. Les drapeaux s’inclinaient parvenus à hauteur de l’entrée du monument. Le commandement de : halte ! front ! étaient répété sur toute la ligne. Des officiers, délégués du Comité Central, pénétraient dans l’étroite enceinte ; à l’aide d’échelles, les commissaires grimpaient sur le socle, déposaient les couronnes sur lesquelles étaient inscrits les numéros des bataillons, accrochaient aux coqs de bronze des angles, des drapeaux, des bouquets apportés dans cette intention. Alors le commandant soulevait son képi, tandis que les tambours battaient aux champs, rythmaient la sonnerie au drapeau des clairons massés devant la porte. De temps à autre, un des manifestants s’avançait, et lançait a la foule quelques paroles enflammées. Puis le bataillon s’éloignait, et bientôt un autre le remplaçait. Tout le quartier, du faubourg Saint-Antoine à l’Hôtel-de-Ville, était empli d’une rumeur de foule, du tapage des tambours, de la vibration des sonneries. De temps en temps, une musique passait jouant la Marseillaise, des airs patriotiques ; la foule acclamait.

Ces manifestations gardaient un caractère paisible et émouvant. Un incident tragique, comme il en surgit souvent aux heures passionnées et confuses qui précèdent les révolutions, se produisit, qui ensanglanta ces manifestations jusque-là pacifiques. Cet épisode sinistre doit être rapporté avec ses détails, sans atténuation, ni exagération, car il sert à expliquer plusieurs faits analogues, comme le