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une fois victorieuses, destinées à toujours l’être ! On eût été content alors, mais nullement étonné. La fonction des soldats de Crimée et d’Italie n’était-elle pas de se montrer toujours et partout invincibles ?

Ces prévisions heureuses ne paraissaient point téméraires. On ignorait la force réelle des Allemands confédérés, le nombre de leurs bataillons, la discipline et la préparation qui en faisaient des troupes supérieures. Ou ne pouvait admettre que les zouaves de l’Alma, les grenadiers de Palestro et les artilleurs de Solférino pussent être vaincus Le cauchemar d’un Sedan possible ne hanta jamais, durant les premières semaines de la guerre, les nuits paisibles des Français, faisant des rêves de gloire, et piquant, au réveil, avec conviction, des épingles tricolores sur des cartes d’Allemagne, théâtre prévu de la guerre. Sur ces cartes, le Rhin était en bordure, et l’on n’avait pas cru devoir y faire figurer un seul département français. N’était-ce pas dans a Westphalie, dans le Hanovre, et peut-être jusque dans la Poméranie, que devaient se passer les glorieuses rencontres prédites et attendues ? Comme elles tardaient un peu, les premiers jours, et que la démonstration sans importance vers Sarrebruck, où le jeune prince impérial avait reçu, disait-on pompeusement, le baptême de feu, ne suffisait pas a calmer les impatiences chauvines, on inventait des alliances chimériques. L’empereur d’Autriche allait déboucher par le Wurtemberg, et venger son humiliation de Sadowa. Le roi Victor-Emmanuel, qui nous devait sa couronne, viendrait paver sa dette, en nous amenant cent mille soldats aguerris, sans parler de Garibaldi et de ses intrépides chemises rouges. On dut se contenter de ce dernier secours,