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Les plus enragés départementaux criaient que les révolutionnaires avaient tenté de livrer leur ville aux Prussiens, le 31 octobre et le 23 janvier ; les plus modérés insinuaient que les Parisiens n’étaient patriotes que pour les trente sous, et qu’il était temps d’en finir avec la cité orgueilleuse, qui humiliait la province, et cherchait à la dominer, ou à la troubler. Les paysans ne voulaient plus voir les Prussiens dans leurs champs, et quand on disait que ces hôtes désagréables ne s’en iraient pas, si les Parisiens faisaient toujours les malins, que les Parisiens seuls empêchaient la paix de se conclure, les bonnes gens des campagnes geignaient : « Débarrassez-nous des Prussiens, et si Paris vous gêne, débarrassez-vous de ces Parisiens-là ! » Ils avaient tenu ce langage à leurs élus, au moment du vote, et Thiers, avec Bismarck, en avaient fait leur profit. La population égoïste des campagnes montra beaucoup moins de passion patriotique que celle des villes. Bourgeois et ouvriers urbains furent beaucoup moins empressés à réclamer la paix, bien qu’ayant souffert, plus que les paysans, de la guerre et de l’occupation.

Ce fut au milieu de ce désarroi moral et politique que la garde nationale de Paris tout à coup se groupa, se présenta avec une cohésion et une organisation inattendues : les bataillons républicains en grand nombre se fédérèrent, et l’on peut dire que de cette Fédération date la Commune.

LA RÉUNION DU WAUX-HALL

La garde nationale, aux termes de la convention de Versailles, avait conservé ses armes, tandis que l’armée régulière, sauf la division Faron réservée pour le service d’ordre, avait dû subir le désarmement, et verser ses