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Un vent précurseur de soulèvement populaire passait sur ces foules énervées, malades de la névrose obsidionale. On ne signalait, cependant, ni meneurs dans la foule, ni chefs dans les groupes déjà frémissants. Tous les hommes du 4 septembre étaient discrédités. Les républicains notoires étaient partis pour Bordeaux, comme candidats, comme élus comme journalistes et spectateurs de premier rang des événements attendus. Les révolutionnaires, principalement les jeunes hommes d’action du groupe blanquiste, se trouvaient immobilisés en prison, ou dispersés. L’insurrection, s’il s’en produisait une, ne pourrait être qu’acéphale et anonyme. Cette constatation faisait que beaucoup, surtout dans la classe moyenne, la considéraient comme improbable.

Paris à cette époque confuse, se trouvait aussi isole, aussi séparé de la province que pendant les mois de siège. Paris ignorait la province et la province ignorait Paris. Les Parisiens, ayant enfin connaissance des efforts, des décrets et des proclamations énergiques de Gambetta, supposaient les provinciaux indignés à l’idée d’une paix désastreuse, et prêts à supporter toutes les souffrances, à sacrifier leurs personnes, leurs biens, leur repos, pour disputer aux envahisseurs ce qui restait d’intact du sol national. Les provinciaux, eux, se faisaient des habitants de Paris une idée fausse et méprisante. Ils croyaient, sur le dire des journaux réactionnaires, qui leur étaient largement distribués, et à peu près les seuls qu’ils eussent, que les Parisiens n’étaient que des soldats d’émeute, qu’ils n’avaient jamais voulu se battre, que tout leur courages était borné à manger du cheval, et qu’ils avaient paralyse les admirables efforts de généraux comme Trochu, d’hommes d’État comme Jules Favre, en les insultant, en organisant des insurrections, sous les yeux bienveillants de Bismarck.