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tenir l’ordre, de contenir les passions révolutionnaires, de rassurer la classe possédante, de favoriser les affaires, de faciliter l’industrie, de développer les grandes entreprises, chemins de fer, canaux à l’instar de Suez, et de vivre en bons termes avec les autres souverains, qu’on était flatté de voir à Paris au moment des Expositions, et dont les fredaines divulguées amusaient, rassuraient. Les plébiscitaires n’avaient jamais pensé que leur vote affirmatif pourrait engager le pays dans une guerre. S’ils avaient eu cette prévision pessimiste, il est probable que les votants, en majorité, eussent répondu « non » ou se fussent abstenus. La guerre engagée, dont les origines apparurent obscures et inexpliquées, les Français, en bons patriotes, firent crédit au souverain, et se reposèrent avec confiance sur la bravoure de l’armée. On comptait sur le prestige de nos soldats, sur leur vaillance éprouvée. Il ne pouvait entrer dans la cervelle populaire le soupçon d’une infériorité quelconque. Tout le monde, alors, ne criait pas : à Berlin ! mais bien peu doutaient qu’on n’y allât, et rapidement, en chantant la Marseillaise, redevenue permise, légale, hymne de guerre nationale et de victoire.

Excepté quelques opposants, perdus dans deux ou trois cafés du boulevards, pérorant dans d’obscures parlottes du quartier latin, représentés, au Corps Législatif, par une poignée de députés et de sénateurs, pleins de talent, mais sans grande autorité sur la masse des électeurs, tout le monde s’attendait à ce que l’empereur, repassant le Rhin, après une paix sollicitée par Bismarck humilié, et signée brusquement, comme à Villafranca, fit une rentrée triomphale dans Paris, en fête, à la tête de ses troupes encore