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précédé, qu’on avait supportées. Les citoyens avaient dû s’armer. Même les départements où les contingents n’avaient pas eu à se trouver en face de l’ennemi avaient souffert de l’invasion, de la mobilisation. Chacun avait hâte de reprendre la vie normale ; bien des intérêts étaient compromis. Il y avait des situations à retrouver, des établissements à restaurer, du travail à chercher. Une existence neuve recommençait. On n’était plus disposé à ressaisir les armes, mais l’outil ; l’atelier, le comptoir, le bureau semblaient désirables, autant que la caserne, les camps, les marches, les appels apparaissaient effrayants. On était sorti d’un enfer, on ne voulait y rentrer à aucun prix.

À Paris toutefois, et dans quelques grandes villes, Lyon, Marseille, l’indignation patriotique, la surexcitation de la défaite, le goût de l’aventure, et même de la violence, persistaient. Les Parisiens, encore munis de leurs armes, furieux de ne s’en être pas suffisamment servis, mécontents des chefs, inquiets sur les tendances rétrogrades de l’Assemblée de Bordeaux, prêtaient une oreille favorable aux paroles ardentes des orateurs et des dirigeants de croupes politiques. On parlait d’une revanche du 31 octobre, dans les réunions des délégués de la garde nationale. On répandait le bruit que les réactionnaires de l’Assemblée voulaient escamoter la république, et ramener un roi. En même temps, le malaise général, l’incertitude qui planait sur la solution à donner à la question des loyers en retard et des échéances suspendues contribuaient à agiter les esprits. La fièvre obsidionale persistait et faisait bouillir la révolte dans les artères de cette population, surmenée au moral comme au physique. La guerre civile apparaissait comme probable et imminente. Les plus résolus l’attendaient, les timorés s’y résignaient dans un fatalisme passif.

Paris avait, depuis la fin des hostilités, l’aspect d’une