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l’Alsace, proie qu’elle tenait, et qu’elle estimait sienne, ayant toujours protesté contre le traité de Wesphalie, ayant formulé, à plusieurs reprises, le regret qu’en 1815 le traité de Vienne ne lui eût pas restitué ce territoire qu’elle proclamait allemand, elle eût probablement cédé pour la Lorraine. Mais il fallait insister, montrer les dents, en se déclarant prêt à mordre. Il fallait s’affirmer disposé à recommencer la bataille, plutôt que de renoncer à Metz et à son territoire, point sur lequel d’ailleurs l’entourage de l’Empereur conseillait de transiger.

LE VOTE

M. Thiers ne répondit qu’évasivement aux questions, si nettement et si hardiment posées par M. Keller. Il demanda d’abord quels moyens on lui fournirait pour continuer la guerre. Il se donna un certificat de satisfaction : « J’ai conduit, dit-il, les négociations avec tout le patriotisme dont j’étais capable ; j’ai lutté de toutes mes forces pendant des jours entiers ; je n’ai pas pu faire mieux que j’ai fait. »

Il servit ensuite son argument favori, qui consistait à offrir sa démission. Il devait revenir, tant et si souvent à ce moyen d’enlever un vote qu’à la fin, le 24 mai 1873, il lui arriva d’être pris au mot. Mais alors l’argument était neuf et solide, n’ayant pas servi plus de cinq ou six fois. L’idée de perdre M. Thiers apparaissait à la majorité comme aussi épouvantable que la continuation des hostilités.

Aussi, quand M. Thiers ajouta : « Si vous croyez pouvoir obtenir de meilleures conditions, envoyez d’autres négociateurs, vous me rendrez un grand service, vous me soulagerez d’un poids accablant », l’Assemblée protesta. M. Thiers continua à engourdir le peu d’énergie restant aux ruraux, en affirmant qu’il ne doutait pas de la force