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Le grand poète a d’ailleurs été jusqu’ici mauvais prophète, car la France n’a pas encore recouvré l’Alsace-Lorraine, et l’Allemagne a gardé son empereur.

Les protestations se succédèrent à la tribune. M. Vacherot dit qu’il votera la paix, qui peut seule sauver la France, quoiqu’il pense qu’on ne dispose pas d’une province comme d’une propriété privée, et quoiqu’il proteste contre le droit de conquête. Déclaration platonique, verbiage électoral, mise en garde contre les réclamations futures.

Louis Blanc fait appel à l’Europe :

Dans la dureté exceptionnelle que nous impose un ennemi barbare, il serait digne de cette Assemblée d’en référer à l’Europe entière, aux petites comme aux grandes puissances, qui sont le plus intéressées à ce que la terre ne soit pas livrée au droit du plus fort.

Mais l’Europe avait été sourde aux plaintes de la France meurtrie. Elle avait conservé, du régime napoléonien, une crainte de cette nation révolutionnaire et batailleuse, que ses désastres récents avaient sans doute diminuée, mais non entièrement supprimée. On n’était pas rassuré complètement par Sedan, Metz et Paris.

L’Europe murmurait : « Comme cette France agonisante est encore vivace et forte ! » Et tous craignaient la résurrection. L’Europe nous accordait trop grand crédit, et, au moins pour longtemps elle se trompait, puisque la France ne s’est pas encore relevée des suites de la chirurgie brutale de Francfort.

Louis Blanc fit un tableau saisissant de l’avidité conquérante de la Prusse, qui devrait alarmer l’Europe :

Qu’attend-on de la Prusse, dit-il, qui a commencé par le vol de