Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

queux, et ce jour-là avait repris le chapeau civil ; Louis Blanc tout en noir, sans barbe, l’air jeunet et un peu clérical ; l’évêque Dupanloup, congestionne, ardent, le teint animé, l’air martial ; Henri Rochefort, avec son sourire amer, son œil sarcastique, errant parmi les bancs, examinant les physionomies singulières, ahuries ou méchantes, de ces ruraux, comme Gaston Crémieux les avait qualifies.

Au dehors, la foule était considérable. Les curieux avaient attendu patiemment l’arrivée de M. Thiers. Ils guettaient, depuis plusieurs heures, les députés au passasse, les nommant de travers, et avec des commentaires fantaisistes La garde nationale de Bordeaux, comme dévoyée, passait e repassait, entre les deux haies de troupes. Elle protestait contre son éloignement du local où siégeait l’Assemblée. Elle avait réclamé vainement l’honneur de veiller a la porte. Elle affirmait, par sa déambulation obstinée, drapeau déployé et musique en tête, son droit de circuler et de parader dans sa ville. Au moment où M. Thiers allait faire connaître à l’Assemblée la cession forcée de nos deux provinces, cette musique encombrante, en défiant sur la place de la Comédie, jouait un pot-pourri de la Belle Hélène. C’était charmant d’à-propos, et ceci montre que ces grandes et lugubres séances historiques, où, comme à la barre de la Convention la vie d’un roi, se jouaient le sort de deux provinces et l’avenir d’une nation, sont surtout à distance imposantes. Les contemporains ne semblent jamais se douter qu’il, font de l’histoire Ils vaquent à leurs petites affaires, et poursuivent leur but coutumier, sans trop s’émouvoir. Pendant ces trois terribles journées, où le salut de la France, la reprise des hostilités et la mutilation de la patrie étaient en suspens, les trams « de plaisir », c’était leur désignation administrative, circulèrent sans discontinuer entre Bordeaux et Arcachon. Les hôtes