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Versailles, le 27 janvier, MM. Thiers et Jules Favre partirent aussitôt pour Bordeaux. Ils éprouvèrent du retard à Poitiers, par suite de l’encombrement des voies, et n’arrivèrent à Bordeaux que vers midi, le mardi 28. Les députés avaient reçu une convocation pour une heure, dans les bureaux. Les quinze commissaires examinèrent sur-le-champ les propositions de paix, discutèrent les clauses du traité et nommèrent leur rapporteur. La séance publique, fixée à trois heures, ne fut ouverte qu’à quatre heures un quart.

L’animation était grande ce jour-là, à Bordeaux. Des troupes encadraient le local où se réunissait l’Assemblée. C’était le Grand-Théâtre, l’un des plus imposants monuments de Bordeaux, le chef-d’œuvre de Louit, qui devait être le lieu de la plus douloureuse tragédie nationale. Le contraste était saisissant entre la gaîté du décor et la morne tristesse du moment. Les loges étaient garnies de dames en toilettes élégantes. Des lustres et des candélabres éclairaient la scène. Les députés occupaient les bancs du parterre, depuis la rampe jusqu’aux baignoires. Les banquettes étaient rouges. Des sièges supplémentaires avaient été placés dans les baignoires. Des draperies encadraient le plateau. Le bureau était au centre et la tribune en dessous, à peu près sur le pupitre du chef d’orchestre. Deux rangs de loges étaient réservés aux journalistes, aux autorités, aux diplomates ; aux galeries supérieures, au paradis, s’entassait le public.

En attendant la séance, on se désignait les personnages marquants : Lord Lyons, ambassadeur d’Angleterre ; M. Okonine, ambassadeur de Russie ; le chevalier Nigra ambassadeur d’Italie ; M. de Metternich, ambassadeur d’Autriche, dans la loge diplomatique ; et parmi les députés, Victor Hugo, qui jusque-là avait coiffé le képi belli-