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été la guerre du désespoir, à laquelle ont eu recours les peuples menacés, décidés à se défendre et à périr, mais qui, par elle, se sont défendus et ont survécu. La France pouvait encore se sauver, si la France acceptait la lutte, comme doit la vouloir un peuple aux abois, sanglier blessé qui fait tête à la meute, la guerre atroce et sans merci, qui semble plus que l’autre une régression vers la barbarie, alors qu’elle est seulement la logique de cette barbarie portée à sa plus haute puissance. Au jugement des superficiels de la vie civile et des routiniers de la vie militaire, cette conception de la défense peut sembler un écho ridicule des divagations qui eurent cours dans les clubs, durant les veillées surexcitées du siège. En réfléchissant, on sera obligé de reconnaître que, c’était là seulement la façon de faire la guerre, si l’on avait voulu sérieusement et sans arrière-pensée d’atténuation et de modération réciproques arrêter les Allemands envahisseurs. Eh ! oui, c’était la guerre sauvage, la guerre comme les civilisés ne veulent plus l’admettre, comme si la guerre dilue dans l’humanitairerie, tempérée par les convenances et les procédés codifies, la guerre selon les règles de l’art, devenait œuvre de civilisation ! Elle était désirable, et en même temps abominable, mais à qui la faute ? Cette guerre furieuse, où tout devient arme pour combattre, comme tout être valide devient combattant, la guerre sans freins ni limites, sans conventions courtoises comme sans préoccupations philanthropiques, ou l’on supprime la croix de Genève, où l’on renonce aux suspensions d’armes pour relever les blessés, où l’on ne songe plus à enterrer les morts, où l’on abroge les lois de l’humanité, où l’on se débat comme la victime assaillie par un assassin, se démène, égratigne et mord, sans se soucier des ménagements et des pitiés.

L’heure terrible justifiait la guerre terrible, sans calculs