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abstention, tous, à l’assemblée, reconnaissaient, d’un cœur navré mais soulagé, qu’il n’y avait nulle possibilité de ne pas passer par le chemin de bonté et de douleur, que d’un doigt impérieux leur indiquait Bismarck. Il fallait accepter la paix sans phrases, telle qu’elle était décidée par Thiers, Jules Favre et l’Allemagne.

Beaucoup de députés venus à Bordeaux, avec l’intention bien arrêtée, conforme d’ailleurs aux volontés plus ou moins franchement exprimées de leurs électeurs, de voter tout ce que le gouvernement proposerait, pourvu que ce fût la cessation définitive de la guerre, faisaient mine de douter, d’hésiter. Ils n’osaient pas avouer que leur opinion était faite, et que rien ne saurait les en faire changer. Ils discutaient dans les couloirs de l’assemblée, dans les parlottes, dans les cafés, comme si le doute sur le résultat final était possible. Ils semblaient d’accord avec les gens se disant bien informés, qui colportaient, en prenant des airs mystérieux, des bruits fantaisistes. Ceux-là assuraient, en baissant la voix, comme s’ils communiquaient un véritable secret d’État dont ils posséderaient le tuyau, que la paix ne serait pas votée. À l’appui de cette assertion, qu’ils n’émettaient que pour souder l’opinion ambiante, tâter leurs voisins, provoquer la contradiction, et amener le démenti qu’ils espéraient, ces nouvellistes à double face prétendaient que les députés monarchistes refuseraient le vote. Ces hobereaux formaient dans l’Assemblée un parti important. Ils étaient irrités du refus de l’Assemblée d’admettre le duc d’Aumale et le prince de Joinville, élus dans l’Oise, dans la Manche et dans la Haute-Marne. Ils pouvaient former une majorité contre le gouvernement, en mêlant leurs bulletins avec ceux des députés républicains avancés et des députés de l’Est, qui voteraient contre la paix, ne voulant pas ratifier la cession de l’Alsace et des territoires lorrains.