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armes. On est en avril 1834. Monsieur Thiers détient le pouvoir. L’occasion lui est propice d’assouvir pleinement son goût pour les répressions inexorables ; Lion et Paris furent ensanglantés. Il devait, par la suite, effacer avec plus de sang les souvenirs lugubres de la Croix-Rousse et de la rue Transnonain. Il était animé d’un fonds d’indifférence cruelle et de férocité souriante, dont il fit montre à plusieurs reprises. Il apporta une certaine crânerie dans ses premières répressions. On le vit, lors de l’insurrection de 1834, aller aux barricades, comme à un spectacle.

Nous le verrons, en mai 71, suivre avec passion, de son cabinet de Versailles, la marche des régiments sur Paris, prêter l’oreille avec ravissement au grondement du canon, et se passionner pour les opérations stratégiques, qu’il voulait diriger lui-même, reprenant et surveillant les généraux. Il se croyait un grand tacticien. Ses études de batailles pour son histoire du Consulat et de l’Empire l’avaient familiarisé avec les termes, les procédés, les cartes de l’art militaire. Il profitait de la terrible occasion qu’il avait d’exhiber son érudition. Son rêve n’était réalisé qu’à demi. Sa taille et sa tournure grotesque lui interdisaient de passer des revues à cheval, et en uniforme. Ce fut une amère souffrance pour lui. Il avait beau se dire que Napoléon n’avait que quelques pouces de plus, il ne se risqua jamais à commander et à parader en personne, à la tête des régiments. Il se rattrapait dans le généralat en chambre. Cette passion des choses de la guerre, cet amour de la stratégie furent pour beaucoup dans la frénésie qu’il apporta à prendre Paris d’assaut, après l’avoir bombardé, avec une sauvagerie que les Prussiens même n’avaient pas montrée.

M. Victor Lefranc, dans son rapport, en énumérant rapidement les titres de l’homme qu’on présentait pour être