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contemporain, toujours jeune et utilisable, le publiciste de 1830, le ministre de Louis-Philippe, le comploteur de la rue de Poitiers, c’est à ses travaux d’historien, à sa publicité d’auteur du Consulat et de l’Empire, qu’il devait ce rajeunissement et cette permanence de la renommée.

Il était, comme politique, un homme du passé pour notre génération, pour les hommes qui avaient vingt ans, au moment du réveil de l’esprit républicain, sous l’empire, c’est-à-dire vers les élections de 1869. Il délaissa ses « chères études », et vint solliciter les suffrages des Parisiens, dans la deuxième circonscription, Passy-Batignolles. Il ne se présenta pas comme républicain, mais simplement comme candidat d’opposition. Il y avait un candidat officiel, M. Devinck, chocolatier riche et membre de la commission municipale parisienne. Le candidat des républicains était d’Alton-Shée, ancien pair de France, grand seigneur appauvri, affirmant des idées très démocratiques, et qui adhérait au programme de Belleville, credo républicain du temps. M. Thiers fut élu. Son rôle au corps législatif fut assez effacé, sauf au moment de la déclaration de guerre. Il prédit les malheurs qui s’ensuivraient, s’il n’était pas écouté, et il ne le fut pas. Il ne pouvait guère l’être. La France, trompée, persuadée que l’armée était forte, invincible, qu’on était prêt, et en même temps frémissante sous l’insolence de la Prusse, manifestée par les dépêches d’Ems falsifiées et communiquées à toutes les chancelleries, approuvait à grande majorité la guerre, et criait : à Berlin ! Le cri était fait d’ignorance, de sincérité, et de patriotisme. On sut gré à Thiers de ses prévisions pessimistes, par la suite, et le malheur prédit donna crédit au prophète.

Tel, à l’heure douloureuse où il s’agissait de traiter de la paix ou de la guerre, et de restituer à la France une orga-