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d’appui, de secours, il n’avait récolté que des paroles de condoléance et d’espoir, et encore pas dans toutes les cours, avaient rajeuni sa vieille notoriété. On lui savait gré de sa tentative vaine. On lui accordait un prestige en Europe. Il passait pour le seul homme politique français ayant du crédit auprès des souverains. On ne voyait plus en lui le ministre de la monarchie de Juillet, le conspirateur de la rue de Poitiers, qui avait facilité et paru un instant excuser le coup d’État ; on oubliait son opposition funeste à une attitude énergique de la France lors de l’agression de la Prusse sur les duchés, son obstruction aux mesures protectrices au lendemain de Sadowa, ayant sans doute déconseillé la guerre, mais ayant aussi tout fait pour empêcher de s’y préparer ; on saluait en lui l’homme du jour, le sauveur présidentiel, celui que la France attend toujours aux heures de crise, et qu’elle accepte les yeux fermés, quand elle s’imagine l’avoir vu surgir dans l’effarement des désastres. Avec lui la continuation de la guerre n’était plus à redouter. D’où son succès, surtout auprès de Bismarck et des ruraux.

Cette paix, qu’il avait inutilement implorée de l’Europe, sourde et indifférente, il l’obtiendrait de l’assemblée ravie de la lui accorder. M. Thiers passait pour persona grata auprès de l’empereur d’Allemagne ; il s’entendait à mer-Teille, disait-on, avec le Chancelier. C’était donc l’homme indispensable, le bouclier contre les périls possibles, l’adversaire de la résistance, et aussi un sûr défenseur de l’ordre social contre les entreprises des socialistes, l’ennemi de ces groupements ouvriers de l’Internationale et de ces communards, que déjà les esprits perspicaces devinaient sous l’uniforme des gardes nationaux réclamant la guerre à outrance. Il n’y avait pas à hésiter pour l’élire. L’Assemblée Nationale devait se hâter de mettre à la tête du pouvoir