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par la majorité, la proposition fut acceptée à la presque unanimité.

Le personnage considérable, que vingt départements venaient d’envoyer siéger à l’assemblée, et que celle-ci, n’osant pas proclamer un prince d’Orléans, un Bonaparte ou encore moins un Henri V, subissait comme président d’une république provisoire, devant promptement se muer en monarchie, était un revenant, un homme d’État ancien, dont on avait cru depuis longtemps le rôle fini et les forces éteintes.

Les révolutions sont comme les volcans : dans leurs soulèvements, elles projettent à la surface des débris très vieux et de jeunes matières en ébullition. On trouvait rassemblés, dans cette salle de Bordeaux, les éléments les plus disparates : sans qu’il fût besoin de recourir à l’inéligibilité décrétée par Gambetta, la plupart des hommes ayant servi l’empire étant considérés comme les conseillers de la funeste guerre, comme les complices de la honte de Sedan, avaient été éliminés. Mais le suffrage universel, surpris, désorienté, intimidé, se manifestant sous les canons de l’ennemi, dans quarante départements, avait, ici et là, exhumé de vieilles notoriétés parlementaires de tous les partis. À côté des commandants de mobiles et des châtelains réactionnaires, enragés partisans de la paix, qui représentaient les nouvelles couches politiques, tous hommes sans passé, inconnus, qui n’avaient pas servi Napoléon III, se rencontraient sur les bancs de l’assemblée des ruraux, les vieilles barbes républicaines de 48, et les toupets orléanistes de Louis-Philippe, les spectres de la rue de Poitiers. Les uns et les autres étaient comme des émigrés de la démocratie, revenus de Coblentz divers. Victor Hugo, Edgar Quinet, Louis Blanc, Corbon, Schœlcher, trouvaient en face d’eux d’autres revenants, à la lueur des