Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Garibaldi ne pouvait continuer à siéger qu’en renonçant à la nationalité italienne ; l’acceptation du mandat devait comporter sa naturalisation. Il avait eu le tort, au point de vue de la stricte procédure parlementaire, de ne pas demander la parole avant d’avoir envoyé sa lettre de démission. Il avait même agi avec beaucoup trop de hâte, puisqu’il déclarait à ses commettants qu’il était venu apporter sa voix à la République. Il n’avait pas encore été question de statuer sur le régime. Il aurait dû, en bonne logique, ne faire parvenir sa démission au président de l’assemblée qu’après le vote du 17 février, qui nommait M. Thiers chef du pouvoir exécutif de la République, et par conséquent reconnaissait implicitement le gouvernement républicain. Mais Garibaldi était pressé de quitter cette assemblée hostile, où il se voyait sans prestige ni autorité. Il n’avait, sa lettre en est la preuve, aucune notion du parlementarisme. Mais il espérait être écouté, aussitôt sa démission portée à la connaissance de l’assemblée. Le président ne lui ayant pas accordé la parole, il dut attendre l’occasion, après le discours de Jules Favre. L’assemblée devait-elle se montrer si rigoureuse pour une faute de procédure parlementaire, imputable surtout à son président ? Rien qu’à cette impolitesse de l’assemblée, et à cette partialité du président d’âge envers le grand citoyen italien, suspect par son passé, par ses amitiés, par ses vastes tendances humanitaires, on pressentait la haine de cette représentation nationale, faussée et rétrograde, contre tout ce qui se rattachait à la révolution, à la République, à Paris.

Une voix s’éleva des tribunes, ironique et cruelle, qui devait venger Garibaldi. Se penchant hors d’une loge en montrant le poing aux insulteurs du héros, un jeune homme leur cria : « C’est une honte ! Vous n’êtes qu’une majorité rurale ! »…