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res, les bataillons de Sambre-et-Meuse ont été successivement l’objet d’exaltations excessives et d’apothéoses exagérées. L’éloignement historique produit un effet contraire à celui de la distance physique : il change les lois de la perspective et grandit hommes et choses.

Les « Communards » n’en sont pas arrivés là. On ne les voit pas même à mi-côte du chemin de la gloire. Ils sont toujours traités en parias de l’Histoire. Leur procès a été jugé sans doute, mais peu, ou mal plaidé. Ils sont demeurés des vaincus ou des proscrits, et n’ont pas connu l’amnistie de l’esprit. Il ne s’est guère produit, jusqu’ici, sur leur compte, que des pamphlets passionnés, des réquisitoires implacables, des légendes absurdes, et aussi quelques apologies immodérées, considérées comme des défis à l’opinion, comme des paradoxes historiques.

Il n’y eut pourtant pas, comme on l’a écrit, comme on l’écrit encore, que du sang et de l’imbécillité dans les actes et dans les espérances des hommes de cette brève et impressionnante époque. Une Idée, respectable comme toute foi sincère, germait dans les sillons parisiens arrosés de la pluie de sang : Paris libre, autonome, exerçant la dictature de l’exemple, servant de modèle aux villes, aux provinces, aux états, aux empires, devenant, par la force de la liberté, par la puissance de l’émancipation humaine, le foyer de la démocratie, le centre du progrès social, la capitale des États-Unis d’Europe, d’abord, puis enfin la Rome d’une fédération universelle des peuples apaisés, fraternels et ne faisant plus la guerre qu’aux fléaux qui désolent la planète, aux êtres nuisibles qui la troublent, aux obstacles qui entravent l’expansion du génie de l’homme, aux fatalités