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pain blanc. L’un des grands régals de ces premiers jours de restauration fut le poisson de mer, dont on avait, pour ainsi dire, perdu le goût, depuis le mois de septembre.

Les lettres purent partir, mais à la condition de ne pas être cachetées. La circulation des journaux était interdite.

Les premiers trains pour la province emmenèrent des voyageurs par fournées pressées. Tous ces fugitifs avaient hâte, ou d’embrasser des êtres chers restés hors de Paris, ou de fuir une cité si éprouvée par le bombardement, par la famine ; plusieurs de ces fuyards, à certains grondements précurseurs, prévoyaient une commotion populaire ; ils redoutaient même un conflit sanglant dans la ville, si, comme on l’annonçait, les Prussiens voulaient défiler triomphalement dans Paris.

Pour quitter Paris, il fallait un laissez-passer qu’on ne prodiguait pas. La plupart des voyageurs donnaient, pour motif de leur départ, leur candidature à soutenir. L’armistice ayant prévu que toute facilité serait accordée aux candidats, le bienheureux laissez-passer était délivré, après enquête sommaire et examen de la demande, à la préfecture de police. Le laissez-passer devait être traduit en allemand.

Les voyageurs avaient à se transporter à Juvisy, point de raccordement de la ligne d’Orléans maintenue en exploitation par les Prussiens. Ce transport donna lieu à de nombreux abus. Les voituriers exigeaient des prix fabuleux. Les voyageurs désireux de partir sans subir les prétentions des conducteurs et qui tentèrent de se rendre à pied à Juvisy furent l’objet de mauvais traitements. Plusieurs furent volés et blessés par de dangereux bandits, répandus dans les environs de Paris, ravageant les villas abandonnées, et razziant ce qui avait échappé à la rapacité prussienne.