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nil, à voir les estomacs si longtemps vides de cette meute humaine se remplir goulûment.

Le ravitaillement s’opérait mal. Les Prussiens faisaient mille difficultés pour laisser passer les charrettes venues des campagnes. De longues files de véhicules, chargés de vivres, encombraient les avenues de la banlieue, stationnaient le long des routes. Les ennemis mettaient des obstacles, soulevaient des difficultés de visas, de paperasseries, suscitaient mille chicanes, parfois confisquaient les aliments que des piétons, franchissant les lignes, étaient venus chercher au delà des avant-postes. Il fallait se munir de certificats, de laissez-passer, de passe-ports pour se rendre au marché, chez l’ennemi.

Des rôdeurs, embusqués, attaquaient les campagnards isolés apportant des œufs, des légumes. Ils les dépouillaient de leur chargement sous prétexte de réquisition. D’autres, aux barrières, entouraient les gens d’apparence aisée, revenant avec des provisions chèrement acquises. Ils geignaient sur leur propre sort, et en invoquant la fraternité, la solidarité, se faisaient remettre une partie des vivres bourgeois. L’ouverture des halles fut marquée par une bagarre. On se rua sur les denrées exposées, et on pilla les boutiques. Les prix étaient d’ailleurs exorbitants.

Le 3 février, le premier train entrait en gare de Saint-Denis. Il comportait 50 wagons avec cette inscription : don de la ville de Londres à la ville de Paris. La générosité anglaise s’était cordialement multipliée. Des envois énormes de viande, de salaisons, des légumes secs furent expédiés. Des commissaires anglais les distribuaient, gratuitement, aux nécessiteux. Des souscriptions avaient été ouvertes simultanément dans plusieurs départements, au profit des affamés. Les dons en nature, farine, pommes de terre, affluèrent de tous côtés. Paris eut cette joie de retrouver du