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ardente, une amère et confuse pensée de revanche spéciale, personnelle, pour ainsi dire locale et séparatiste.

LE RAVITAILLEMENT

Le ravitaillement de Paris s’opérait et prenait une importance considérable, occupant les esprits, détournant un instant les colères et suspendant les haines.

Un délai de huitaine avait été indiqué, dans une dépêche de Jules Favre, annonçant la reprise des communications ferrées. Ce délai n’était pas de rigueur. On s’efforça de l’abréger.

Le 1er février, une convention intervenait entre les directeurs de chemins de fer et l’administration allemande. Sur toutes les lignes, on se préoccupa de reprendre les communications et d’envoyer des vivres à Paris affamé. Ce fut la ligne du Nord qui fut d’abord considérée comme devant avoir le plus promptement ses communications rétablies. On renonça à faire venir les subsistances par Dieppe. Ce fut sur Abbeville et Creil que circulèrent les premiers trains, amenant farine et bétail.

En attendant l’arrivage des convois nourriciers, les Parisiens se portèrent en foule aux avant-postes des Prussiens. Un tableau pittoresque, mais pénible, que celui de ces hommes, de ces femmes, mendiant (la plupart, il est vrai, une pièce d’argent à la main) un morceau de pain blanc, un rond de saucisson. Une bousculade lamentable autour des cantines. Les Prussiens, en souriant d’un bon gros sourire narquois, faisaient les échanges, tendaient les vivres sollicités, et paraissaient s’amuser énormément au spectacle de cette goinfrerie suppliante. Raides et froids, les officiers, avec mépris, considéraient ces quémandeurs faméliques et s’amusaient, comme à l’heure de la soupe dans un che-