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sa protestation, adressée à Jules Favre, il insinuait que, doutant de la liberté des électeurs, il demandait s’il ne serait pas plus juste de convoquer le Corps législatif de l’empire, qui, selon lui, « représentait une autorité élue légalement par la voix du suffrage universel ».

En rappelant les hommes impopulaires, oubliés, évanouis, qui, non seulement avaient contre eux le vote de la guerre, et surtout l’incurie et la sottise avec lesquelles ils avaient voté cette guerre terrible, sans l’avoir préparée, sans avoir contrôlé l’état des arsenaux, sans avoir vérifié les affirmations de Lebœuf et des ministres, mais qui, par leur retour même, faisant présager le rétablissement de l’empire, provoqueraient une effroyable guerre civile, Bismarck était sûr d’avoir la majorité qu’il souhaitait. Jules Favre eut la pudeur de refuser, et, en assurant à Bismarck la sincérité des élections, il rapporta le décret de Gambetta.

Il faut reconnaître qu’il était difficile de le maintenir, étant données l’acceptation de l’armistice dans toutes ses clauses, et la convocation d’une Assemblée Nationale, qui en était le résultat et la condition. Bismarck ne ménageait pas la menace : « Nous ne saurions reconnaître aux personnes élues sous le régime de la circulaire de Bordeaux, disait-il, les privilèges assurés par la convention d’armistice aux députés de l’assemblée. »

Le décret fut donc rapporté, et les élections eurent lieu comme le voulait Bismarck, alors véritable maître de la France.

Si la province, en grande majorité, se montrait satisfaite de la cessation des hostilités, et se préparait à voter pour des députés chargés de traiter, de maintenir provisoirement le statu quo républicain, et de renvoyer les Prussiens chez eux, Paris conservait dans sa population, mobile et