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la frontière suisse, le 2 février. Le sol helvétique donna asile à 88,000 soldats ; 2,192 officiers et 285 canons.

L’omission due à Jules Favre fit donc, tardivement et inutilement, couler le sang dans les défilés neigeux de Pontarlier. L’armistice refusé aux armées de l’Est, et l’incertitude qui fut la conséquence de l’inconcevable erreur du ministre, eurent encore ce résultat funeste de paralyser la diversion que tentait Garibaldi avec 50,000 hommes, dans la direction de Dôle. L’armée de Garibaldi s’arrêta à 3 kilomètres de Dôle, que l’ennemi avait presque entièrement évacué. Pendant les pourparlers provenant de l’ignorance de la clause concernant l’armée de l’Est, les Prussiens envoyèrent des renforts considérables contre Garibaldi, qui fut obligé d’évacuer Dijon et de se retirer sur Mâcon.

Les combattants de la dernière minute, victorieux à La Cluse, n’ont cependant pas vainement donné leur vie. Ils se sont battus, sachant bien que leur sacrifice était inutile, et qu’une bataille gagnée, dans ces montagnes perdues, à quelques mètres de la frontière suisse, ne pouvait changer la face des événements accomplis. D’ailleurs la France entière était désarmée et pacifiée. À eux seuls, on avait laissé le droit de tirer des coups de fusil. Ils en ont usé. Leur défense ultime a permis de gagner l’abri charitable de la Suisse ; elle a prouvé que l’armée de l’Est, mieux dirigée, eût été capable de grandes choses. Honneur à ces braves qui ont, jusqu’au bout, gardé leurs armes, et ont fait face à l’ennemi avec un tronçon d’épée !

La déloyauté des Allemands, n’avertissant pas de l’exception prévue dans la convention, connue d’eux, ignorée de leurs adversaires, et profitant de la continuation des hostilités, ainsi que de la croyance à l’armistice où étaient les Français, pour les bloquer dans les gorges du Jura, fut-elle de leur part un adroit calcul ? Elle a permis à l’armée de l’Est