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la bonne foi, l’humanité aurait dû dicter à Manteuffel l’offre d’une suspension d’armes spéciale et locale, pour permettre d’attendre des explications et de recevoir des ordres précis de Versailles et de Bordeaux. Manteuffel, au contraire, abusa de l’erreur et de la force qu’il avait en mains.

Ce fut le 1er février que l’armée de l’Est prit la route de Suisse, la neige sous les pieds, le froid au ventre et le désespoir dans le cœur.

Le général Clinchant annonça la retraite par une proclamation éloquente et douloureuse.

Après avoir énoncé l’espoir qu’il avait eu de se frayer un passage, jusqu’à Lyon, par les montagnes du Jura, il ajoutait :

Une fatale erreur nous a fait une situation, dont je ne veux pas vous laisser ignorer la gravité. Tandis que notre croyance en l’armistice, qui nous avait été notifié et confirmé à plusieurs reprises par notre gouvernement, nous commandait l’immobilité, les colonnes ennemies continuaient leur marche, s’emparaient des défilés déjà en nos mains, et coupaient ainsi notre ligne de retraite.

Il est trop tard aujourd’hui pour accomplir l’œuvre interrompue. Nous sommes entoures par des forces supérieures, mais je ne veux livrer a la Prusse, ni un homme ni un canon. Nous irons demander à la neutralité suisse l’abri de son pavillon. Mais je compte, dans cette retraite vers la frontière, sur un suprême effort de votre part : défendons pied à pied les derniers échelons de nos montagnes, protégeons les défilés de notre artillerie, et ne nous retirons sur un sol hospitalier qu’après avoir sauvé notre matériel, nos munitions, nos canons.

Soldats, je compte sur votre énergie et sur votre ténacité. Il faut que la patrie sache bien que nous avons tous fait notre devoir jusqu’au bout, et que nous ne déposons les armes que devant la fatalité.

Cet admirable ordre du jour, daté de Pontarlier, 31 janvier, fut suivi du suprême effort que le général avait invoqué.