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lointaines, presque oubliées, grognent et poussent l’irritation jusqu’au refus de continuer à se traîner sur la route de misère ? Évidemment le devoir, la discipline, l’honneur rendent le contraire, mais les hommes ne sont pas des abstractions, et le sentiment inné de ce qui est juste les domine ; il peut transformer en rebelles les plus fidèles. Or, la privation des privilèges de l’armistice semblait aux malheureux traînards de Clinchant une injustice, une punition imméritée, d’où une dépression générale.

L’hésitation et le mécontentement des soldats de l’Est sacrifiés, livrés sans défense à un ennemi audacieux et sans scrupules, fut d’ailleurs de courte durée, et bientôt ces malheureux abandonnés se comportèrent en braves, et ces résignés furent les héros de l’heure suprême.

Cerné par des forces supérieures, le général Clinchant, qui de plus était privé de vivres, et ne disposait que d’homes épuisés, démoralisés, se croyant victimes d’un passe-droit envoya le lieutenant-colonel Chevals au commandant de l’armée suisse, Hans Herzog. pour traiter la question du passage de son armée sur le territoire helvétique.

Cette grave décision était dictée au général par la volonté de n pas se rendre aux Allemands. Il convient de noter que la mauvaise foi germanique s’était manifestée dans toute cette catastrophe. Avertis que l’armistice ne s’applique pas à l’armée de l’Est. Manteuffel et ses officiers s’étaient hâtés de profiter de l’erreur où ils voyaient tombés les généraux français, qui suspendaient le feu et arrêtaient la marche de leurs troupes. La plus élémentaire loyauté, car de nombreux échanges de messages parlementaires eurent lieu, faisait un devoir au général allemand de rectifier l’erreur de Jules Favre, et de prévenir les Français, cessant le feu, que les hostilités, pour les belligérants en présence dans le Jura, n’étaient pas interrompues. Autant que