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Le général Clinchant de son côté a déclaré :

Pendant la soirée du 29, la journée du 30, et la matinée du 31, la croyance formelle où j’étais de la réalité de l’armistice avait suspendu notre mouvement. Sans cette croyance j’aurais certainement pu accélérer la retraite de mon infanterie de manière à la rendre à peu près assurée.

L’effet de non-armistice fut déplorable sur l’esprit de l’armée de l’Est. Il faut de l’indulgence pour une armée abandonnée. Les contemporains purent juger sévèrement l’abattement de ces braves, qui s’étaient battus un contre dix. Leur indiscipline ne fut qu’occasionnelle. Ils avaient vaillamment supporte les périls, les fatigues, les souffrances d’une campagne désespérée. On leur annonce que les armes vont être déposées de part et d’autre, que les préliminaires de la paix définitive sont engagés. On envisage les bienfaits de la paix, les joies du retour au foyer. L’héroïsme est une fièvre. Quand on la coupe, une stupeur et une nonchalance se produisent. Imaginez une troupe harassée, se croyant enfin à l’étape, courageusement atteinte. Les sacs sont débouclés, on s’étire les membres, et chacun se dispose à goûter le repos gagné. Tout à coup on annonce qu’il y a erreur, que l’heure du boire et du dormir est reculée, qu’il faut se mettre on route encore, pour longtemps peut-être. Le clairon sonne, on court aux faisceaux, et l’on donne un coup de pied dans la marmite, qui commençait à dégager une odeur alléchante. En avant !… Il n’y a pas d’armistice, et l’on ne sait quand il y en aura !… En même temps, on apprend que les camarades, de l’autre côté de tel fossé, de telle vallée, de telle frontière idéale, ont, eux, acquis le droit de se reposer et de se refaire des lassitudes subies. Vous surprendra-t-il que ces hommes, auxquels on demande un effort inattendu et le recommencement de souffrances déjà