Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette rêverie ne soutient pas l’examen. L’armée de l’Est pouvait encore résister, mais ne devait pas être supposée triomphante, étant isolée, cernée par toutes les forces allemandes. Mais comment pourrait-on justifier cet incroyable silence gardé vis-à-vis de la Délégation de Bordeaux et l’ignorance, où se trouvèrent ainsi les chefs de l’armée de l’Est, de la clause spéciale les concernant, continuant exceptionnellement pour leurs soldats la guerre partout ailleurs suspendue, finie ? On ne trouve d’autre explication que l’état mental du signataire de la convention et de la dépêche.

Le méfait inconscient de Jules Favre fut apprécié ainsi par Challemel-Lacour, indigné en apprenant, à Lyon, l’exception :

Ainsi c’est arrêté ! L’armistice n’est pas applicable aux départements du Doubs, du Jura et de la Côte-d’Or. Celui qui a consenti une pareille condition, quel que soit son nom, est un misérable.

Gambetta, de son côté, télégraphiait de Bordeaux, Ier février, à Jules Favre :

L’ajournement inexplicable, auquel votre télégramme ne fait aucune allusion, pas plus qu’aux effets produits par l’armistice, en ce qui touche Belfort et les départements de la Cote-d’Or, du Doubs et du Jura, donne lieu aux plus graves complications.

Dans l’Est, les généraux prussiens poursuivent les opérations sans tenir compte de l’armistice, alors que le ministre de la Guerre, croyant pleinement aux termes de votre impérative dépêche, a ordonné à tous les chefs de corps français d’exécuter l’armistice et d’arrêter les mouvements, ce qui a été exécuté religieusement pendant 48 heures.

Faites immédiatement appliquer l’armistice à la région de l’Est et réalisez, comme c’est votre devoir, l’entente ultérieure, dont parle la convention du 28 janvier.

Entre temps, nous autorisons les généraux français à conclure directement une suspension d’armes provisoire.