Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la convention, ôtaient, à partir de tel jour, compris dans l’armistice.

Or, Jules Favre ne signala cette exception ni à la délégation de Bordeaux, ni au général Clinchant, à Pontarlier.

Le général Clinchant, qui avait reçu avis, par la délégation de Bordeaux, qu’un armistice avait été conclu à Versailles, fut persuadé que l’armistice concernait ses troupes. Il cessa donc le feu, et demeura dans l’immobilité, tandis que les Allemands, avisés que l’armistice ne concernait pas la région de l’Est, continuaient leurs hostilités et poursuivaient leur mouvement tournant, pour envelopper l’armée de l’Est et lui couper la route de Lion. Cette omission de Jules Favre, dont tout le gouvernement parisien doit partager la responsabilité, accorda aux armées allemandes deux journées de marche, avance précieuse pour eux, pour nous terrible. Le commandement et le moral furent également désorganisés par cet événement, où beaucoup de combattants virent une trahison calculée.

Comment Jules Favre a-t-il consenti à mettre l’armée de l’Est en dehors de l’armistice ? Ce ne fut pas un oubli, comme on l’a dit. Il peut être d’une ironie cruelle et facile de dénoncer un ministre qui signe un traité de paix, car la convention était un véritable préliminaire de paix sous la condition, dont on ne pouvait douter vu les circonstances, de la ratification par l’Assemblée nationale, et qui, avant de signer, oublie un corps d’armée, comme il aurait omis de parapher un renvoi. En réalité Jules Favre a volontairement omis de comprendre l’armée de l’Est dans la convention. Il a expliqué cette omission. Il a prétendu, pour sa défense, en versant ces larmes qui lui étaient familières, argument banal de défenseur aux assises, qu’il manquait de nouvelles, qu’il croyait l’armée de l’Est victorieuse, et qu’il craignait d’arrêter sa marche en avant.